ROGUE ONE : A STAR WARS STORY de Gareth Edwards

Dans une galaxie genre loin. Avertissez vos potes conspi: j’ai bien fait attention et franchement, je n’ai pas trouvé d’allusions à Donald Trump. Ou alors, en interprétant des dialogues au troisième degré ; mais à ce moment-là, je crois qu’on peut tout autant l’interpréter comme une critique du Lemonade de Beyonce.

Tous les acteurs morts de la saga Star Wars, en ordre de bataille

How Grey was my Uncanny Valley. Attention, l’air de rien, cette nouvelle itération de l’univers Star Wars constitue une date importante dans l’Histoire du cinéma. Passons rapidement sur son intérêt artistique restreint, son aspect rapiécé et ses tonalités trop contradictoires pour être honnêtes, perdues quelque part entre fan service évident et un cahier des charges forcément en butte à une quelconque identité autre que les sentiers bien définis par des armadas impériales de décisionnaires Disneyens ; un peu comme ces jeux vidéos faisant miroiter des univers ouverts, pour au final se dérouler encore et toujours dans les mêmes couloirs en ligne droite.
Le point le plus crucial du film réside dans sa résurrection de Peter Cushing le temps de cinq scènes dialoguées, sans les habituels stratagèmes de production employés jusqu’alors par Hollywood pour dissimuler ses acteurs décédés en plein tournage. Premier problème éthique: il ne s’agit pas ici d’une contingence suite à une disparition malheureuse, mais bien de la décision réfléchie, validée, financée moyennant contrepartie aux ayant droits, de faire revivre à l’écran un acteur mort depuis 22 ans en mêlant son visage et sa silhouette à la performance d’un autre comédien, à l’aide de la motion capture.
Le deuxième problème, encore plus éthique, c’est que cette technologie franchit un nouveau cap de crédibilité et qu’à la troisième scène, passé le choc de revoir une légende pas vivante se mouvoir sur grand écran dans une production contemporaine, le dispositif devient presque naturel dans la dramaturgie du film. On y croit. Arrive dès lors l’ultime problème éthique, définitivement Black Mirror dans l’esprit : la performance capturée n’est, nécessairement, qu’une copie du jeu de Peter Cushing en mode mineur. La fameuse «uncanny valley » redoutée des animateurs, ce concept traduisant le malaise face à une reproduction voulue fidèle de la réalité, ne se limite plus aux regards morts des personnages recréés, mais à tout leur visage, toute leur performance. Disney ne se contente pas de jouer avec le cadavre de Peter Cushing, le studio transforme le mythe en acteur beaucoup moins bon, en version zombifiée de lui-même.
Partant, à partir de quel moment peut-on définir le stade où une personnalité publique ne s’appartient plus? Ressusciter les morts sans réelle justification narrative autre que la sidération constitue-t-il le point ultime de la mode nostalgique ou faudra-t-il attendre que Lino Ventura se fasse chier dessus par un pigeon dans Les Visiteurs 4 ? Fort heureusement, Rogue One s’achève sur une utilisation tellement ratée de la performance capture, sur un personnage clé de la saga, que les questionnements se calment. Pour le moment…