Cela fait bien longtemps que Michael Haneke ne fait plus de cinéma. Enfoui dans son dogmatisme professoral, il ne donne plus que dans le dispositif élaboré avec une rigidité terrifiante, n’autorisant aucune autre interprétation que celle surlignée au marqueur dans chacun de ses plans-séquences doloristes. Hostile à tout mouvement de caméra – la technique relève pour lui de la pornographie –, le donneur de leçons déclare vouloir « saisir le spectateur et non le manipuler », alors qu’il pratique exactement l’effet inverse, tout en niant ardemment ce qui fait la spécificité du médium qu’il entend aplanir. Le nouveau venu Myroslav Slaboshpitsky, dont il va bien falloir retenir le nom, s’est vu hâtivement comparé à Haneke sur la base du profond malaise suscité par son film, il est vrai bien peu aimable. Il y a néanmoins plus de cinéma dans ce premier film que dans toute la filmographie du moraliste autrichien depuis Benny’s Video. Et pas seulement parce que la caméra bouge, bande de coquinous ; il faut voir avec quel talent ce prodige transforme la gageure de son film, exclusivement tourné en langage des signes, en une force visuelle et thématique insensée. Il faut observer avec minutie les dynamiques d’interaction pour comprendre à quel point ses personnages glissent dangereusement hors de leur fonction initiale. Il ne faut pas fermer les yeux sur ses scènes choc tant elles servent un propos au fatalisme radical salvateur. Tant qu’à se faire manipuler, autant que ce soit par quelqu’un de doué qui ne se retranche pas derrière sa propre idée de la vertu.
THE TRIBE de Myroslav Slaboshpitsky
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