THE GRANDMASTER de Wong Kar Wai

Difficile de dire que ce film, tout bordélique et parfois incohérent soit-il, est objectivement raté. Rien que parce que dans le seul plan ci-dessus, il y a sans doute plus de cinéma que dans 95 % des longs métrages sortis depuis le début de l’année. The Grandmaster est en quelque sorte la contradiction faite film : le récit sans cesse heurté et artificiellement complexe d’un homme ne visant en fait qu’à la simplicité, tant dans son art que dans ses sentiments. La quête d’une vie pour son auteur…

Perdu dans des intrigues qu’il ne cesse de malmener, WKW navigue constamment dans un entre-deux dont l’équilibre et la logique semble connus de lui seul. Et à la limite, tant mieux. Le temps que le cinéaste mène son projet à bien, les biographies de Ip Man ont envahi les écrans hong-kongais en une chaîne quasi ininterrompue et par trop bourrative. La vision de l’auteur prime ici sur les figures obligées, le bruit du monde y est observé à distance, dans une tentative de domptage du chaos par la philosophie transcendantale de la pratique martiale.

Obscur jusqu’à l’aveuglement avant de céder à une limpidité émotionnelle sidérante, autant gorgé de ralentis et de plans clichés que de visions majestueusement inédites, The Grandmaster ne serait pas le même film sans son allure de brouillon impulsif. Avec le recul, il finit même par faire sens.