Dans une galaxie genre loin. Avertissez vos potes conspi: j’ai bien fait attention et franchement, je n’ai pas trouvé d’allusions à Donald Trump. Ou alors, en interprétant des dialogues au troisième degré ; mais à ce moment-là, je crois qu’on peut tout autant l’interpréter comme une critique du Lemonade de Beyonce.
How Grey was my Uncanny Valley. Attention, l’air de rien, cette nouvelle itération de l’univers Star Wars
constitue une date importante dans l’Histoire du cinéma. Passons
rapidement sur son intérêt artistique restreint, son aspect rapiécé et
ses tonalités trop contradictoires pour être honnêtes, perdues quelque
part entre fan service évident et un cahier des charges forcément en
butte à une quelconque identité autre que les sentiers bien définis par
des armadas impériales de décisionnaires Disneyens ; un peu comme ces
jeux vidéos faisant miroiter des univers ouverts, pour au final se
dérouler encore et toujours dans les mêmes couloirs en ligne droite.
Le point le plus crucial du film réside dans sa résurrection de Peter
Cushing le temps de cinq scènes dialoguées, sans les habituels
stratagèmes de production employés jusqu’alors par Hollywood pour
dissimuler ses acteurs décédés en plein tournage. Premier problème
éthique: il ne s’agit pas ici d’une contingence suite à une disparition
malheureuse, mais bien de la décision réfléchie, validée, financée
moyennant contrepartie aux ayant droits, de faire revivre à l’écran un
acteur mort depuis 22 ans en mêlant son visage et sa silhouette à la
performance d’un autre comédien, à l’aide de la motion capture.
Le deuxième problème, encore plus éthique, c’est que cette technologie
franchit un nouveau cap de crédibilité et qu’à la troisième scène, passé
le choc de revoir une légende pas vivante se mouvoir sur grand écran
dans une production contemporaine, le dispositif devient presque naturel
dans la dramaturgie du film. On y croit. Arrive dès lors l’ultime
problème éthique, définitivement Black Mirror dans
l’esprit : la performance capturée n’est, nécessairement, qu’une copie
du jeu de Peter Cushing en mode mineur. La fameuse «uncanny valley »
redoutée des animateurs, ce concept traduisant le malaise face à une
reproduction voulue fidèle de la réalité, ne se limite plus aux regards
morts des personnages recréés, mais à tout leur visage, toute leur
performance. Disney ne se contente pas de jouer avec le cadavre de Peter
Cushing, le studio transforme le mythe en acteur beaucoup moins bon, en
version zombifiée de lui-même.
Partant, à partir de quel moment peut-on définir le stade où une
personnalité publique ne s’appartient plus? Ressusciter les morts sans
réelle justification narrative autre que la sidération constitue-t-il le
point ultime de la mode nostalgique ou faudra-t-il attendre que Lino
Ventura se fasse chier dessus par un pigeon dans Les Visiteurs 4 ? Fort heureusement, Rogue One
s’achève sur une utilisation tellement ratée de la performance capture,
sur un personnage clé de la saga, que les questionnements se calment.
Pour le moment…