Elle est comme le vent. Après l’été 1963, rien ne sera plus jamais comme avant, nulle part, jamais-jamais-jamais. Frances, aka Baby, aka Abigail Breslin de Little Miss Sunshine qui n’aurait jamais (jamais-jamais-jamais) dû grandir, Beille-bé donc découvre, cachée derrière la façade de la monotonie bourgeoise estivale, un monde plutôt interlope où le petit personnel danse sexuellement, la nuit venue, et où les avortements se négocient mollement, conscients qu’ils sont de leur seule fonction de rouage narratif. Here comes Johnny, mi prof de danse tout en déhanché, mi gigolo gominé adepte de la sexyness monolithique six-packs-regard-torve donne-moi ton corps, bébé, ton cœur bébé, rebelle sans cause qui finira par ravir la petite fleur de Baby et faire d’elle une femme like you. Spoiler, j’imagine.
Laissons le fantôme de Patrick Swayze tranquille. En attendant les inévitables remakes de Ghost et Road House, voici donc la version téléfilm so 2017 de ce classique absurde désormais trentenaire. Trêve de suspense non existant, le résultat est une abomination dont le seul mérite réside dans sa réhabilitation à l’extrême hausse de l’original. C’est dire son inutilité intrinsèque, irréconciliable avec les notions de respect, d’intégrité, ou avec cette petite piqûre d’amour-propre de l’artisan qui essaierait de bien faire le boulot à défaut d’approuver les directives. Etiré d’une demi-heure pour atteindre les trois heures coupures pubs comprises, ce remake s’enrichit de sous-intrigues à base de personnages mal développés, de dialogues vitreux déclamés avec une remarquable absence de conviction par un casting abandonné à la dérive. Le visage de Debra Messing donne l’impression de perdre la bataille contre son maquillage, la performance de Bruce Greenwood pousse à vérifier qu’il ne dit pas « SOS » en morse avec ses battements de paupières, le projet de sexualisation d’Abigail Breslin tient pour l’instant la tête dans le tiercé des pires idées de 2017, et le recrutement du cyborg d’accompagnement domestique Colt Prattes dans le rôle de Johnny profane la mémoire de Patrick Swayze à tout jamais-jamais-jamais.
Surtout, Dirty Dancing 2017 atteint le zénith de cette tendance monstrueuse propre à la décennie de se réapproprier un matériel, de le refaire quasi à l’identique mais vidé de toute aspérité. Ce règne de la fan fiction propre sur elle, à même de racoler toutes les catégories, toutes les niches, trouve ici une apogée assez terrifiante. Un peu comme si des extraterrestres sous Valium essayaient de copier des pans de culture qu’ils ne comprennent visiblement pas, dans le but jamais dissimulé de nous pécho comme des mouches à merde. Tout devient lisse, factice – le rythme a disparu quelque part, dans un ailleurs indéfini faute d’exécutif compétent. L’original a toujours pour lui l’alchimie assez inexplicable entre ses deux personnages principaux, une érotisation éclose dans le conflit et les attitudes de forte tête. Là, que dalle, tout juste un vague malaise dès que ces deux-là se mettent à dirty danser. Il faut voir comment l’arc narratif autour de l’avortement est mené, sans aucune espèce de tension, à distance pour ne froisser personne, quitte à transformer le film d’origine en manifeste progressiste, ce qu’il n’était bien évidemment pas. Sauf peut-être sur le fétiche du débardeur mais c’est un autre débat, dans un autre monde, où la nostalgie n’est pas devenue la norme industrielle. Ce remake n’est rien, il n’en restera rien. S’il se regardait dans un miroir, il ne verrait qu’une silhouette floue.