2015. George Miller s’en revient mettre les pendules à l’heure à une génération entière de jean-foutre de la caméra. À genoux, celle-ci lui remet une pelletée d’Oscars techniques et lui offre la présidence du prochain Festival de Cannes en contrition.
2016. Jean-Marie Poiré revient.
La dernière fois que Jean-Marie Poiré a touché une caméra, c’était pour filmer une atroce pièce de boulevard comme un mauvais clip de Prodigy, tout en s’acharnant à sexualiser Régis Laspalès avec une obstination coupable.
Depuis Les Anges Gardiens (1995), le cinéma de Jean-Marie Poiré ressemble à un tour de manège sous amphétamines, à la merci d’un technicien sadique qui ne reculera devant aucun artifice visuel pour nourrir sa boulimie gaguesque. TIENS, du fish eye DANS TA GUEULE. MANGE, un gros plan en contre-plongée sur les narines de Laspalès. Le grand retour de JMP après 14 ans de traversée du désert, dans un paysage comique français sinistre et uniformisé, promettait son lot de visions échappées de son esprit dément. ENFIN, il allait se passer QUELQUE CHOSE. Dans son immense magnanimité, la Gaumont a tout fait pour se mettre la profession critique à dos : interview surréaliste de Christian Clavier dans Première sur le ton seul-contre-tous-drapé-dans-ma-vertu-offensée, pas de projection presse, polémique sur l’affiche gérée par un Community Manager stagiaire de 3e, annulation au dernier moment d’une avant-première belge, les couteaux s’aiguisent, la proie sacrificielle rôtit à point pour alimenter l’éternel clivage entre vox populi et vox aigrie-jalouse. Le ratage devait être monumental, il n’est que décevant.
Déception de ne pas retrouver, passée une séquence de cauchemar inaugurale outrée et gore à la Sacré Graal, la mise en scène frénétique borderline de Jean-Marie Poiré à même d’élever un argument de navet au rang d’expérimentation baroque. Quelques cadrages rigolos, des éclairages agressifs ou un emploi candide de la nuit américaine n’arrivent jamais à faire oublier cette putain de froideur numérique. Le casting trois étoiles donne l’impression d’enchaîner les sketchs centrés à 50% sur les odeurs, le caca, et les odeurs de caca, dans un musée départemental qu’on aurait vidé de sa signalétique.
Sans surprise, les nobles en déroute sont de précieuses ridicules, lâches et inconséquentes. Les révolutionnaires, de leur côté, rivalisent de bien-pensance opportuniste – le plaisir de Christian Clavier à éructer ad nauseam « C’EST PLUS LAÏC ! » sur le ton de la complaisance moqueuse, à défaut d’être communicatif, est évident. Tout le monde en prend pour son grade ? Pas vraiment. Au sortir d’un tunnel de vide narratif d’une heure, où chaque second rôle s’agite pour faire oublier que le film aurait exactement le même déroulé sans lui, l’intrigue revient enfin sur Godefroy de Montmirail, seul personnage intègre de cette triste mascarade, ravalé pendant une bonne moitié au rang de figurant mono-répliquant (« Certes »).
Les Visiteurs 3 se réveille dans sa dernière demi-heure. Godefroy et Jacquouille ingèrent la fameuse potion, l’enchanteur se transforme en oiseau et chie sur le pauvre Dimitri Storoge, histoire de clôturer la thématique principale et d’humilier le seul acteur potable. Nos Docteurs Qui made in France arrivent pendant la Seconde Guerre Mondiale où, je vous le donne en mille, le descendant de Jacquouille est un collabo et celui de Godefroy un résistant. Yep. Le révisionnisme bourgeois de Papy fait de la Résistance, dénoncé à très juste titre par Pacôme Thiellement dans cet excellent papier, trouve ici un écho cinglant et peut-être encore plus gênant. C’est à peine si l’aficionado pervers se réjouit de la présence fugace de Götz Otto dans le rôle d’un motherfucking nazi.
Les Visiteurs 3 n’est pas la plus grosse purge de cette jeune année – on est plus ou moins dans le même degré de grotesque que Pattaya, Eperdument, ou Amis Publics. Certes, il s’agit du film le plus réac’ de 2016 so far, mais le souvenir traumatique du Grand Partage reste encore trop frais. Ce n’est pas le festival psychotronique attendu de la part d’un Jean-Marie Poiré dévoré par la dalle de filmer une suite tant réclamée par le public. Tout bien considéré, ce n’est rien et croyez-le ou non, ça rend le Chaos très triste.