Ce gros fourbe de Vortigern est du genre à profiter d’une attaque d’éléphants géants pour s’emparer du royaume, ou à sacrifier les femmes qu’il aime à un poulpe visqueux pour gagner des pouvoirs qui ne lui servent pas à grand-chose, au final. Donc, évidemment, FATALEMENT, lorsque les rumeurs bruissent rapport à l’héritier légitime de la couronne et sa grosse épée magique, le tyran friand d’ensembles Hugo Boss laisse parler son insécurité et lance ses hommes à la recherche du prétendant. Lequel, élevé à la rude dans un bordel, n’en a strictement rien à carrer de ces histoires, avide qu’il est de piécettes et de leçons de kung-fu dispensées par son dévoué maître martial chinois, George.
Si vous clignez des yeux au mauvais moment, vous risquez de rater le caméo de Guy Ritchie. Filmée de façon bien moins insistante que la grotesque apparition de David Beckham, la très courte scène voit le réalisateur de Snatch s’illustrer dans le rôle d’un propriétaire qui veut bien se mouiller dans une manigance, mais pas de là à y laisser la vie. Soit une curieuse mise en abyme de sa carrière filmographique, un timide pied dans une subversion de façade, l’autre dans le confort artistique histoire de ne pas trop (se) faire peur. Le type n’assume rien, se renie d’un film à l’autre comme la gagneuse qu’il jure ses grands dieux ne pas être devenu. Pire, après ses deux pénibles dévoiements de Sherlock Holmes, Guytou semble se spécialiser en caution vaguement morale pour un Hollywood amène de s’approprier le patrimoine culturel britannique.
D’où l’étonnement devant la première demi-heure de cette 6758e réinterprétation un peu fofolle des légendes arthuriennes. Il y a comme un souffle épique maîtrisé dans la spectaculaire scène d’introduction, quasiment à même de faire oublier son découpage hasardeux. Les montages comico-elliptiques parviennent à déguiser leur vulgarité en trivialité de bon aloi narratif, le casting hétéroclite surprend agréablement, avec notamment ce choix audacieux de n’incorporer que deux acteurs de Game of Thrones. Putain de merde (pour citer un dialogue d’époque magnifiquement traduit), même la 3D se justifierait presque, au-delà du rendu désespérément terne de l’image.
Hélas, peu à peu, les coutures de cet accident industriel, dix fois réécrit, à la production péniblement étalée sur six années finissent par claquer de partout. Les tics de montage amusants des débuts se systématisent ad nauseam, virent antipathiques à force de fuir le script en avant. La friandise grasse plombe l’estomac, Guy Ritchie se met à faire n’importe quoi, pique des idées aussi bien à Mad Max : Fury Road qu’à J. J. Abrams. Le ton rieur se réfugie dans l’ironie facile, les béances scénaristiques tentent vainement de se combler au détour de répliques vaseuses. Dans l’idée, ce devait être la porte d’entrée dans un univers cinématographique riche d’au moins une demi-douzaine de films. Vu le bide cosmique de ce galop d’essai, ne restera du projet que cette note d’intention trop ambitieuse pour son propre bien, au dernier acte précipité, limite compréhensible à force de monter ses partis pris à cru.