La jeunesse est un naufrage. Guillaume Canet joue dans des films mous, porte des pulls moches, sa gow achète des potagers d’intérieur et s’exerce à l’accent québécois pour jouer dans le prochain film de Satan Xavier Dolan. Pour des raisons scénaristiques, toutes les personnes de moins de 30 ans qu’il croise lui répètent qu’il est vieux, y compris Kev Adams, et là, c’en est trop, c’est le signal de départ pour une plongée implacable dans l’enfer de l’autodérision contrôlée.
Quelque part, une parabole audacieuse sur le mal que Kev Adams fait au cinéma français.
Grand classique des acteurs passés derrière la caméra, l’autoportrait
de l’artiste en loser, exercice psychanalytico-cathartique permettant au
pauvre pitchoune privilégié en plein doute d’exorciser sa peur de
perdre, de vieillir, de ne plus pécho. En fait, ce registre n’a été créé
que pour une seule personne suffisamment géniale, égocentrée,
vaniteuse, odieuse, et en même temps dotée du recul indispensable pour
se regarder avec une immense et sublime tristesse. Cette personne
s’appelle Edouard Baer, sa trilogie cinématographique ne parle que de ça
et si vous ne l’aimez pas, tant pis, tant mieux pour les quelques fans
obsessionnels persuadés d’avoir raison contre le monde entier. En
parlant de vase clos, let’s go back to Guillaume fucking Canet.
Dans l’abominable Les Petits Mouchoirs, il exprimait
ses doutes et interrogations de Guillaume Canet sur son être Guillaume
Canet au monde rempli de bourgeois passablement égoïstes. Le film
intimait l’ordre de chialer au diapason de Guillaume noircissant les
pages d’un script pour lequel il disait avoir tout donné. Rock’n’Roll
demande plus sympathiquement à son spectateur de rire du spectacle
malaisant de son Guillaume Canet sur la corde quand même un peu raide.
Si tout le monde avait le niveau de vie ou le degré d’insouciance des
seuls personnages qu’il parvient à décrire, cette crise de la
quarantaine bâtie exclusivement sur un problème d’ego aurait pu charmer.
Mais en l’état, en 2017, en France, avec ce qui nous attend, personne
n’a le temps pour ça. Réclamer de l’attention de la sorte sous couvert
d’une pseudo mise en danger devient franchement obscène. Le pire, c’est
qu’au bout d’une heure et demie crispante à s’en cacher le visage dans
ses vêtements, il se passe quelque chose. Le train corail Guillaume
Canet se paie une sortie de route et dévale les talus vers un ailleurs
possiblement chaotique, peut-être inédit, le malaise prend une
consistance inattendue… pendant cinq minutes. La distance de sécurité se
réinstalle d’elle-même pour préparer le terrain à la plus grande
dégueulasserie du film : son épilogue valide, non sans complaisance,
tout le pétage de plomb du personnage principal. Yep. Il ne suffit pas
de devenir monstrueux, autant entraîner ses proches dans sa chute. Une
bien belle morale, ma foi, sur fond de Demis Roussos, c’est toujours
plus décalé.